Reportage sur la conférence débat « République tchèque et Slovaquie : pour ou contre l’Europe, 20 ans après la séparation ? »
Datum přidání: Apr 18, 2013 3:21:16 PM
20 ans après la dissolution de la Tchécoslovaquie, Benoît d’Aboville, Rick Zedník et Lukáš Macek sont revenus mardi 16 avril au Centre tchèque sur l’évolution des attitudes de la République tchèque et de la Slovaquie vis-à-vis de l’Union européenne.
Organisé par les associations ČSMPF et V4SciencesPo avec le soutien du Centre tchèque, de l’Institut slovaque et de l’Ambassade de Slovaquie en France, le débat intitulé « République tchèque et Slovaquie : pour ou contre l’Europe, 20 ans après la séparation ? » a fait salle comble et a suscité de nombreuses questions parmi les 120 participants.
Près de 10 ans après l’intégration dans l’Union européenne de la République tchèque et de la Slovaquie, les trajectoires adoptées par ces deux pays vis-à-vis du projet européen peuvent pour le moins étonner. Comme l’a précisé l’ancien ambassadeur de France à Prague et Varsovie, Benoît d’Aboville, les chancelleries d’Europe de l’Ouest imaginaient au cours des années 90, que la République tchèque, une fois la séparation réalisée, rejoindrait rapidement l’Union. La situation de la Slovaquie apparaissait à l’inverse beaucoup plus incertaine et l’arrivée de Vladimir Mečiar au pouvoir a suscité diverses craintes qui ont d’ailleurs un temps retardé l’intégration euro-atlantique du pays.
Mais depuis 2009, la situation a nettement évolué, la Slovaquie faisant désormais partie du noyau dur de l’Union suite à son adoption de la monnaie unique tandis que la République tchèque s’est mise davantage en marge, ne prévoyant pas d’adopter l’euro dans un futur proche et refusant l’année dernière aux côtés du Royaume-Uni de signer le traité budgétaire.
Et c’est justement cette année-là, en 2009, que tout a basculé selon le directeur général d’EurActiv.com Rick Zedník. Cinq événements ont selon lui rebattu les cartes pour les deux pays. Alors que la Slovaquie rejoignait l’eurozone au 1er janvier, au même moment débutait la présidence tchèque du Conseil de l’Union européenne qui s’est vue très rapidement marginalisée par l’Allemagne et la France dans la résolution du conflit gazier entre la Russie et l’Ukraine. Partie d’un mauvais pied, le coup de grâce à cette présidence a été porté par la chute du gouvernement de Mirek Topolánek au printemps. Si l’on pourrait rajouter à cette liste le départ des députés conservateurs tchèques du parti populaire européen en juin comme l’a souligné le directeur du campus de Dijon de Sciences Po Paris Lukáš Macek, le dernier élément qui témoigne de l’intégration de la Slovaquie réside dans l’attribution dans la Commission Barroso 2 en décembre d’un poste de vice-président de l’exécutif européen à Maroš Šefcovic.
Outre ces événements récents, des éléments structurants expliquent également ces attitudes opposées. Côté slovaque, la mise au ban de la communauté internationale pendant la période Mečiar a probablement favorisé le souhait d’être pleinement intégré au projet européen. Côté tchèque, Lukáš Macek voit dans le fondement de l’euroscepticisme une société à la fois désabusée vis-à-vis du politique qui par exemple assimilerait le discours politique français sur l’Europe de la paix à de la propagande, mais également empreinte d’un complexe de supériorité qui prend sa source dans l’exploitation de l’attitude de Jan Hus, ayant raison seul contre tous. Si la révolution de 1989 a tout d’abord engendré un certain « enthousiasme naïf » relatif au « retour à l’Europe », les idées portées par Václav Klaus se sont petit à petit imposées avec la mise en avant par l’ODS en 2002 de la défense des intérêts nationaux. Alors que Václav Klaus n’avait pas osé s’opposer à l’intégration du pays dans l’UE, la crise des dettes souveraines a finalement eu pour conséquence de radicaliser un peu plus les positions de l’ODS sur l’Union et a contribué à l’alignement de la République tchèque sur les positions des conservateurs anglais.
Face à l’empreinte profonde qu’a laissée Václav Klaus sur la manière de penser l’Europe, reste à savoir selon les intervenants comment évoluera la position de la République tchèque suite à la fin de son mandat : poursuivra-t-elle son alignement sur les conservateurs anglais ou reviendra-t-elle dans le jeu européen ? Selon Benoît d’Aboville, « une stratégie post-Klaus » doit être réinventée et devrait passer par la relance du groupe de Visegrád pour la formulation des intérêts communs des quatre pays d’Europe centrale.
Le débat a été modéré par Filip Kostelka, doctorat à SciencesPo Paris et Pavol Szalai, ancien journaliste au quotidien slovaque SME.
Retrouvez les photos de la conférence ci-dessous :