Témoignage : j'ai grandi sous Vaclav Havel

Datum přidání: Dec 20, 2011 10:34:51 AM

Journaliste à Marianne, Katerina Srbkova, d'origine tchèque, livre son témoignage après la mort du dissident Vaclav Havel, sous la présidence duquel elle a grandi.

Je n’avais que 5 ans quand la « Révolution de velours » a complétement changé le monde autour de moi. La fin d’un communisme forcé, la fin de l’angoisse permanente… Le nom de Vaclav Havel était omniprésent : il incarnait la bonté et l’authenticité, il était le héros qui avait fait tomber le régime communiste. Même à l’école maternelle, nous parlions de lui, au point de décider qu’on l’élirait président si on pouvait.

Son élection n’a pas tardé, il est devenu président de Tchécoslovaquie le 29 décembre 1989, à peine un mois après la révolution. Cette vague d’enthousiasme a porté le pays pendant plusieurs années. Tout était possible, les gens avaient envie d’être honnêtes.

Une « période dorée » qui s’est malheureusement fondue dans le capitalisme, rendant Prague un peu trop semblable aux autres villes européennes. Les Tchèques ont quand même pu profiter de quelques années uniques, sous sa présidence. Ils ont pu le comparer à l’autre Vaclav – l’économiste Vaclav Klaus, qui fut son ministre des finances puis son premier ministre avant de lui succéder au Château de Prague.

Ce qui a rapproché les deux Vaclav à la chute du régime communiste, les a ensuite diamétralement opposés dans la nouvelle décennie de l’Etat tchèque. Après la division de la Tchécoslovaquie, le 1er janvier 1993, les Slovaques ont certainement perdu en se privant de Vaclav Havel.

Amoureux de la démocratie, Havel a fondé Forum 2000 de Prague - grande conférence internationale annuelle et plateforme de discussion entre politiciens, sociologues et économistes. Chose rare, les étudiants y étaient bienvenus. C’est à ce titre et à cette occasion que j’ai pu personnellement voir Havel, déjà gravement malade mais toujours intéressant et charismatique.

Proche ami du Dalaï lama, Havel l’a invité à méditer avec lui à Prague, deux semaines avant sa mort. L’a-t-il sentie venir ? On peut le penser, car il avait fait transférer tous ses biens à sa deuxième femme, l’actrice Dagmar Havlova, voici deux mois.

Son décès, même s’il était prévisible, a tout de même choqué et profondément attristé le pays. L’emblème et l’icône de la Tchécoslovaquie postcommuniste, par son courage et sa qualité intellectuelle, est parti, laissant le pays dans l’incertitude : qui peut, en effet, le remplacer et devenir une nouvelle autorité intellectuelle et morale pour la nation ? Il n’y a malheureusement pas grand choix, sur la scène politique tchèque d’aujourd’hui…

Lundi 19 Décembre 2011

Katerina Srbkova - Marianne

Source :

http://www.marianne2.fr